Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/74

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comment ne comprenez-vous pas tous les avantages de cette mesure ?

— Chacun les comprendrait si la fabrique asséchait le marais à ses propres frais…

— La fabrique ne s’occupe pas de philanthropie ! répliqua le directeur. Je vous ordonne à tous de reprendre immédiatement le travail.

Et il se mit en devoir de descendre en tâtant avec précaution le fer de la pointe de sa bottine, sans regarder personne.

Une rumeur de mécontentement retentit.

— Quoi ? demanda le directeur en s’arrêtant.

Tous se turent ; seule, dans le lointain, une voix solitaire répliqua :

— Travaille toi-même !

— Si dans un quart d’heure, vous n’avez pas repris le travail, je vous ferai tous mettre à l’amende, déclara le directeur d’un ton sec.

Et il reprit son chemin au milieu de la foule, mais derrière lui un sourd murmure s’élevait ; puis il s’éloignait, plus le bruit se faisait aigu.

— Allez donc parler avec lui !

— Et voilà nos droits ! Ah ! fichu sort !

On s’adressait à Pavel en criant :

— Hé, juriste, que faut-il faire maintenant ?

— Pour parler tu as parlé, mais il est venu et le vent a tourné !

— Eh bien, Vlassov, que faire ?

Les questions se faisaient plus insistantes, Pavel déclara :

— Camarades, je vous propose d’abandonner le travail, jusqu’à ce que le directeur renonce à l’injuste retenue…

Des paroles excitées résonnèrent :

— Tu nous prends pour des imbéciles !

— C’est ce qu’il faut faire !

— La grève ?

— Pour ce kopek ?

— Eh bien ! faisons grève !

— Nous serons tous mis à la porte !

— Et qui travaillerait ?

— On trouvera d’autres ouvriers !

— Lesquels ? Des traîtres !