Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/86

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coin, sans savoir que faire ni où s’asseoir. Elle était inquiète en voyant que Iégor n’était pas encore venu, comme il l’avait dit.

Au dehors, les lourds flocons grisâtres d’une neige d’automne tombaient. Ils se collaient aux vitres, glissaient sans bruit et fondaient en laissant des traces mouillées. La mère pensait à Pavel…

On frappa avec précaution à la porte ; elle courut vivement tirer le verrou, et Sachenka entra. La mère ne l’avait pas vue depuis longtemps ; l’embonpoint anormal de la jeune fille la frappa.

— Bonsoir, dit-elle, heureuse d’avoir une compagnie, de n’être pas seule une partie de la nuit. Il y a longtemps que je ne vous ai vue. Vous étiez loin d’ici ?

— Non ! En prison ! répondit Sachenka en souriant, en même temps que Nicolas Ivanovitch. Vous vous souvenez de lui ?

Comment pourrait-on l’oublier ! s’écria la mère. Iégor m’a dit hier qu’on l’avait relâché… mais on ne m’a pas parlé de vous… Personne ne m’a dit que vous étiez en prison…

— À quoi bon en parler ! Il faut que je me déshabille avant que Iégor vienne ! dit la jeune fille en regardant autour d’elle.

— Vous êtes toute mouillée !

— J’ai apporté les brochures…

— Donnez ! donnez ! fit vivement la mère.

— Tout de suite.

La jeune fille entr’ouvrit rapidement son manteau, se secoua et aussitôt des paquets de brochures s’envolèrent sur le sol, avec un bruissement de feuilles tombées. La mère les ramassait en riant :

— Et moi qui pensais en vous voyant si grosse que vous étiez mariée et attendiez un enfant ! dit-elle. Ah ! quelle quantité vous en avez apporté… Et vous êtes venue à pied ?…

— Oui, dit Sachenka.

La jeune fille était de nouveau mince et élancée comme autrefois. La mère vit que ses joues s’étaient creusées et que ses yeux agrandis se cernaient de grandes ombres noires.

— On vient de vous remettre en liberté… vous devriez vous reposer, et, au lieu de cela, vous portez un