Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Kalmouck, vois-tu ce dessin ? C’est un a. Dis : a ! b ! c ! Qu’est-ce que cela ?

— B.

— C’est juste. Et ça ?

— C.

— Non, c’est a ! Regarde : d, e, f ; qu’est-ce que cela ?

— E.

— C’est juste. Et ça ?

— F.

— C’est juste. Et ça ?

— A.

Grand’mère intervint :

— Tu devrais rester tranquille, père…

— Tais-toi ! Cela me distrait. Continue, Alexis !

Il avait posé sur mon cou son bras moite et, par-dessus mon épaule, tenant le livre sous mon nez, il désignait du doigt les lettres. Il sentait très fort le vinaigre, la sueur et l’oignon frit, et j’étouffais presque. La colère l’envahissait peu à peu, il vociférait d’une voix rauque :

— L ! M !

Le son des lettres m’était connu, mais non les signes : L ressemblait à un ver ; G à Grigory, M à grand’mère et à moi réunis, tandis que grand-père avait quelque chose de commun avec toutes les lettres à la fois. Longtemps, il me promena sur l’alphabet, me questionnant et reprenant tous les caractères par série ou au hasard. Son emportement m’avait gagné : je transpirais moi aussi et je criais de toutes mes forces. Il s’en amusait, se frottait la poitrine, toussait, pétrissait le livre entre ses doigts et râlait :