Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/121

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— Le putois lui-même est supportable quand il est dans son trou.

— Et les Russes, sont-ils bons ?

— Il y en a de bons et de mauvais. Au temps du servage, les gens étaient meilleurs qu’aujourd’hui : ils portaient des chaînes. Maintenant que tout le monde est libre, nul n’observe plus les vieilles coutumes. Les seigneurs ne sont pas très tendres, sans doute, mais au moins, ils ont un brin de raison ; et puis, il y a des exceptions, et quand un seigneur est bon, il l’est vraiment, et on ne se lasse pas de l’admirer ! Il y a aussi des nobles qui sont bêtes comme des sacs et gardent en eux tout ce qu’on y met. En Russie, il y a beaucoup d’écorces, de coquilles ; on croit voir un homme et, quand on regarde de près, on s’aperçoit qu’il n’en a plus que le dehors, le noyau manque, on l’a rongé. Il faut qu’on nous instruise, qu’on aiguise notre intelligence, mais la véritable pierre à aiguiser, celle qui serait nécessaire, nous fait défaut aussi…

— Les Russes sont-ils forts ?

— Il y en a qui sont des hercules ; mais ce n’est pas la force qui importe, c’est l’adresse ; tu peux être aussi fort que tu voudras, un cheval sera toujours plus fort que toi.

— Pourquoi les Français nous ont-ils fait la guerre ?

— Ah ! la guerre, c’est l’affaire des gouvernements, des empereurs ; nous ne pouvons pas comprendre ces choses-là…

Mais lorsque je demandai qui était Bonaparte, grand-père me répondit en me donnant baucoup de détails qui se gravèrent dans ma mémoire :