Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je te défends de venir chez moi !

Je me fâchai :

— Ce n’est pas chez toi que je vais, vieux diable !

Sa longue main me saisit de nouveau, cette fois il me conduisait jusque chez nous et ses paroles tombaient sur ma tête comme des coups de marteau :

— Ton grand-père est-il à la maison ?

Pour mon malheur, grand-père était rentré ; quand le vieillard menaçant se trouva devant lui, mon aïeul leva la tête et, tout en fixant les yeux ternes du voisin, balbutia d’une voix précipitée :

— Sa mère est loin ; je suis très occupé et personne ne le surveille ; pardonnez-lui, colonel !

Le colonel brailla de telle sorte que toute la maison l’entendit ; puis, raide comme un poteau, il pivota sur ses talons et se retira. Un moment après, j’étais rossé d’importance et j’allais cacher mes larmes sur la télègue de l’oncle Piotre, dans la cour.

— Eh bien, tu as encore écopé, mon petit Alexis ? demanda-t-il en dételant son cheval. Qu’as-tu fait pour être battu ?

Lorsque je lui eus raconté l’aventure, il s’emporta et siffla :

— Pourquoi te lies-tu avec ces gens-là ? Ces petits nobles, vois-tu, sont de vrais serpents ; tu vois comme tu as été rossé à cause d’eux ! Mais tu vas leur rendre la pareille sans te gêner, j’espère !

Il parla longtemps ainsi ; irrité par les coups que j’avais reçus, je l’écoutais d’abord avec sympathie, mais son visage ridé tremblait d’une manière si déplaisante, que je lui rappelai que les garçonnets