Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/226

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Mon aïeul criait, tapait des pieds. Sa barbe se hérissait drôlement et ses paupières étaient baissées. Il me sembla qu’il avait réellement honte, qu’il jouait la comédie et qu’il ne fermait les yeux que pour ne pas se trahir.

— Je vous collerai ces morceaux sur de la toile ; ce sera plus solide qu’avant, promit ma mère, en examinant feuilles et fragments. Vous voyez, c’est déjà tout chiffonné et usé ; il tombait en poussière, ce calendrier…

Elle lui parlait sur le ton sévère qu’elle employait avec moi lorsque je ne comprenais pas les explications au cours des leçons. Tout à coup, grand-père se leva et, après avoir craché, commanda :

— Tu colleras cela aujourd’hui même ! Je vais tout de suite t’apporter les autres feuillets !

Il se dirigea vers la porte ; mais, arrivé sur le seuil, il se retourna et me désignant de son doigt tordu :

— Quant à lui, il faut le fouetter !

— Oui, certes ! acquiesça ma mère en se penchant vers moi. Pourquoi as-tu agi de la sorte ?

— Parce qu’il a battu grand’mère et cela je ne le veux pas, ou bien je lui couperai la barbe !…

Grand’mère, qui enlevait son corsage déchiré, hocha la tête et me blâma.

— Tu ferais mieux de te taire, ainsi que tu me l’avais promis !

Ma mère la regarda, traversa la cuisine et revint vers moi :

— Quand l’a-t-il battue ?

— Toi, Varioucha, tu devrais avoir honte d’interroger