Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’en étais flatté, mais je trouvais bizarre qu’un homme qui avait de la barbe étudiât encore. C’est pourquoi je demandai :

— Qu’est-ce que tu apprends ?

— L’arpentage.

Ce mot ne me disait rien, mais je ne voulus pas prendre la peine de m’informer davantage. Une tranquillité mortellement ennuyeuse pesait sur la maison et j’aurais voulu que la nuit vînt très vite. Grand-père, le dos appuyé contre le poêle, regardait par la fenêtre, les paupières plissées, tandis que la vieille verte, grommelante et gémissante, aidait ma mère à emballer. Quant à grand’mère, ivre dès midi, on avait jugé bon de l’expédier au grenier où on l’avait enfermée pour lui éviter la honte d’être vue.

Le lendemain matin de bonne heure, ma mère partit. Me soulevant aisément, elle me prit dans ses bras et, me regardant en face avec des yeux qui m’étaient inconnus, elle m’embrassa :

— Allons, adieu…

— Dis-lui de m’écouter ! intervint grand-père d’un ton morose, en regardant au loin.

— Tu obéiras à ton grand-père ! ajouta-t-elle en dessinant sur moi le signe de croix.

J’avais espéré qu’elle me dirait autre chose et je ressentis une vive colère contre grand-père qui l’en avait peut-être empêchée.

Maximof et ma mère montèrent en voiture ; mais sa robe s’étant accrochée, elle eut fort à faire pour la dégager et devint écarlate de fureur.

— Va l’aider ! Tu ne vois donc rien ? me dit grand-père.