Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/282

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Moi aussi, j’étais près de pleurer, car je regrettais fort mon jardin et la tente.

Le mobilier que l’on déménagea tint dans deux chars ; celui sur lequel je me juchai au milieu des meubles et des ustensiles me secoua terriblement.

Peu de temps après notre installation dans le sous-sol ma mère revint. Amaigrie et pâle, elle avait des yeux immenses et étonnés qui brillaient d’un éclat fiévreux. Elle examina tout d’un air attentif, étrange ; on eût dit qu’elle nous voyait, mes grands-parents et moi, pour la première fois. Elle nous observa et se tut. Mon beau-père arpentait la chambre sans s’arrêter, sifflotant tout bas et toussotant, les mains croisées derrière le dos.

— Seigneur ! C’est terrible de te voir grandir si vite, s’écria enfin ma mère, en serrant mes joues entre ses paumes brûlantes.

Elle était mal habillée et sa large robe rousse se gonflait sur le ventre.

Son mari me tendit la main.

— Salut, mon petit. Comment vas-tu ?

Il renifla et déclara :

— Vous savez, il fait très humide chez vous…

On aurait dit qu’ils avaient tous les deux couru très longtemps et qu’ils étaient bien fatigués ; leurs vêtements comme leurs personnes se décelaient chiffonnés et déteints. Il nous parut qu’ils ne souhaitaient qu’une chose : se coucher pour se reposer.

On prit le thé. Ce ne fut pas un repas particulièrement gai. Grand-père, tout en regardant la pluie qui lavait les vitres, demanda :

— Alors tout a brûlé ?