restaient ainsi sur place jusqu’aux crues du printemps. Les bourgeois propriétaires payaient vingt copecks une volige bien équarrie, et on pouvait en emporter une ou deux par jour ; mais pour réussir, le mauvais temps était nécessaire, la pluie ou la tempête de neige chassant des chantiers les gardes qui allaient ailleurs se mettre à l’abri.
Une bande très unie s’organisa ; elle comprenait Sanka Viakhir, le fils d’une mendiante mordouane, un gentil garçon de dix ans, affectueux et tendre, toujours paisible et gai ; Kostroma, un sans-famille impétueux et décharné, aux immenses yeux noirs et qui se pendit plus tard, à l’âge de treize ans, dans la colonie pénitentiaire où on l’avait relégué pour avoir volé une paire de pigeons. Il y avait aussi Chabi, un petit Tatare de douze ans, hercule bon et placide ; Jaze, le fils du fossoyeur et gardien du cimetière, un gamin de huit ans au nez épaté, taciturne comme un fauve en cage et qui souffrait du haut-mal ; enfin, Gricha Tchourka, l’aîné de la troupe, judicieux et juste, amateur passionné de la lutte à coups de poing ; la mère de ce dernier était couturière et veuve. Nous habitions tous la même rue.
Au faubourg, le vol n’était pas considéré comme un péché ; c’était une habitude, et presque le seul moyen d’existence pour beaucoup de petits bourgeois qui ne mangeaient jamais à leur faim. Les six semaines que durait la foire ne pouvaient enrichir les gens pour une année entière ; aussi, un très grand nombre d’honorables pères de famille demandaient-ils à la rivière un complément de gain ; ils