un portefaix et s’efforçait de parler d’une voix mâle et brutale. Toute sa personne avait quelque chose de vieux, de réfléchi, de tendu. Viakhir, lui, était persuadé que le vol était un péché.
Mais le fait d’aller aux Sablons pour en emporter des planches et des perches n’était pas classé parmi les actes répréhensibles ; aucun de nous ne craignait de le commettre, et nous élaborâmes toute une série de procédés qui nous facilitèrent grandement la besogne. Les jours de pluie ou à la tombée de la nuit, Viakhir et Jaze se dirigeaient vers les Sablons en passant sur la glace mouillée et bosselée ; ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour attirer l’attention des gardes, tandis que les quatre autres – et j’étais de leur nombre – se rendaient à l’île en cachette, un à un. Inquiétés par l’apparition de Viakhir et de Jaze, les gardes les surveillaient et, pendant ce temps, nous nous rassemblions près d’un tas de bois convenu à l’avance ; nous choisissions tranquillement notre butin et, tandis que nos camarades aux pieds agiles s’amusaient à harceler les gardes et à les entraîner à leur poursuite, nous prenions, nous, le chemin du retour. Chacun des quatre opérateurs possédait une corde munie à son extrémité d’un gros clou recourbé en forme de crochet ; nous plantions ce crochet dans les voliges ou les perches et nous n’avions plus qu’à les traîner sur la neige ou sur la glace. Les gardes ne nous voyaient presque jamais ou, s’ils nous apercevaient, ils ne pouvaient plus nous rattraper. Le butin vendu, nous partagions en six la recette et chacun de nous touchait ainsi cinq ou six et parfois sept copecks pour sa part.