Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/36

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Soudain, comme s’il fût tombé du plafond, grand-père apparut, il s’assit sur le lit et, d’une main froide comme de la glace, me tâta le front :

— Bonjour, monsieur… Réponds-moi, ne boude pas ! Eh bien ?…

J’aurais voulu lui donner un coup de pied, mais chaque mouvement me causait une atroce souffrance. Grand-père me semblait plus roux encore qu’auparavant. Il secouait la tête avec anxiété ; ses yeux étincelaient et semblaient chercher quelque chose sur le mur. Sortant de sa poche une chèvre en pain d’épice, deux trompettes de sucre, une pomme et une grappe de raisin sec, il posa gauchement le tout sur l’oreiller, près de mon nez.

— Tu vois, je t’ai apporté des cadeaux !

Et se penchant, il me baisa au front ; ensuite, il se mit à bavarder tout en me caressant lentement de sa petite main rêche et teinte en jaune.

— J’ai été trop loin, mon ami, j’en conviens. Je me suis emporté ; tu m’avais mordu, égratigné et cela m’a mis en colère. Bah ! ce n’est pas un grand malheur ; ce que tu as souffert en trop te sera compté une autre fois. Sache-le, mon petit, quand un membre de ta famille te châtie, ce n’est pas une humiliation, mais une leçon ! Défends-toi contre les étrangers. Mais entre nous, une correction, cela n’a pas d’importance. T’imagines-tu peut-être que je n’aie jamais été fouetté ? On m’a fustigé si violemment que tu ne saurais pas t’en faire une idée, même dans le plus terrible des cauchemars. On m’a tant humilié que, si Dieu avait été témoin de la chose, il en aurait pleuré. Et qu’en est-il résulté ? Moi, qui étais orphelin,