Page:Gory - Des Pensées de Pascal considérées comme apologie du christianisme, 1883.djvu/100

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spéciale, aussi bien par sa valeur propre qu’à cause du débat qu’il a soulevé. Ce débat portait surtout sur une question d’ordre et de méthode ; mais cette question, formelle en apparence, recouvrait et impliquait les questions les plus importantes et les plus essentielles de l’apologétique. Il s’agissait de savoir à laquelle des deux grandes preuves qui peuvent concourir à la démonstration de la vérité du christianisme, Pascal eût donné la préséance s’il eût achevé son œuvre.

M. Astié abordait nettement la question dans la préface de sa première édition. Sa solution était celle d’un disciple de Vinet, disciple qui outrait un peu le maître et qui comme le maître n’échappait pas entièrement au reproche que Pascal lui-même adresse à l’homme en général, de « teindre les choses de ses qualités et de les empreindre de son être ». Pour lui les preuves externes ne jouent qu’un rôle très secondaire dans la démonstration et embarrassent plutôt qu’elles ne servent. Aussi la première partie des « Pensées » où se trouvent coordonnées les preuves morales, â seule de la valeur. Les pensées sur les prophéties, sur les figuratifs, et sur les miracles sont un véritable hors-d’œuvre, « comme dans une belle disposition d’esprit, dit-il, (la disposition dans laquelle Pascal a mis son interlocuteur) une dissertation nécessairement froide et calme, sur le peuple Juif, la révélation, les prophètes et les miracles viendrait mal à propos ! Pascal abandonnerait le champ de bataille après avoir remporté la plus glorieuse victoire ; il briserait l’épée à deux tranchants qui vient de lui servira prosterner ses adversaires à ses pieds pour recourir à la pesante armure de l’apologie ordinaire ! »[1]

Avec quelques réserves en faveur de la preuve externe avec plus de mesure surtout, un grand philosophe chrétien, M. Ernest Naville, et un théologien qui s’était déjà fait un grand nom, M. E. de Pressensé, soutinrent la même thèse que M. Astié.

D’autres théologiens, se rattachant pour la plupart, à l’école

  1. Préface de la première édition ; seconde id. p. 15, 16.