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relle et de la famille chrétienne de l’auteur. Son origine fait ses défauts et lui a valu son long crédit. Il y avait des hardiesses sur ces « méchants petits morceaux de papier » ; nous le voyons bien aujourd’hui. La famille supprima hardiment ces hardiesses : elle craignit pour la mémoire de son illustre mort ; elle craignit surtout pour la paix religieuse récemment conclue mais non encore scellée, bien s’en fallait. Elle donna ainsi au public une édition incomplète, incorrecte, bien que revue et corrigée, et en somme fort défectueuse.

Telle qu’elle est cependant, cette édition a joui d’une grande faveur, et c’est sous cette forme défectueuse que s’est faite la fortune des Pensées. Cette fortune alla grandissant jusques vers le milieu du dix-huitième siècle. À cette époque elle subit une éclipse. Les philosophes ne pouvaient pas ne pas combattre le géant des Pensées. « Il y a longtemps, écrivait Voltaire en 1733, que j’ai envie de combattre ce géant. Il n’y a guerrier si bien armé qu’on ne puisse percer au défaut de la cuirasse. » — En 1734, il écrivit ses Remarques sur les Pensées de Pascal. Il ne perça pas le géant ; la cuirasse se trouvait être sans défaut. Pour le percer il fallait d’abord le dépouiller et le travestir. C’est à cet usage que fut affectée une édition nouvelle des Pensées, publiée en 1776 par Condorcet. L’édition de P. R. avait été une édition de famille ; celle de Condorcet fut une édition de combat, et d’un combat déloyal. Elle n’a du reste aucune valeur critique, et nous n’en aurions pas fait mention si elle ne nous fournissail un exemple de la mauvaise foi insigne des adversaires du christianisme au xviiie siècle[1].

Trois ans plus tard, en 1779, parut la célèbre édition

  1. Auguste Molinier, I. LXI. Havet. Introd. XLI.