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« Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses. » (III, 8).

On ne saurait distinguer foncièrement la morale sociale de la morale individuelle. Pascal trouve la première aussi instable que la seconde, puisqu’elle s’appuie sur la même base branlante. Ne remontons pas à l’origine des États ; ce serait le plus sûr moyen d’ébranler leurs fondements et de les ruiner ; car nous y trouverions toujours la violence et l’usurpation et non la justice et le droit. « Qui ramène l’autorité à son principe l’anéantit. » (III, 8). « Sur quoi (l’homme) fondera-t-il l’économie du monde qu’il veut gouverner ?… Sera-ce sur la justice ? il l’ignore. » (Ibid.). Il la fondera donc sur la force, qui, incontestablement, prévaut sur la justice et le droit. « Il est juste que ce qui est juste soit suivi » ; voilà le droit ; « il est nécessaire que ce qui est fort soit suivi » ; voilà le fait. Comment mettre d’accord le fait et le droit ? Comment par cet accord sauver la morale sociale ? « Il faut, dit Pascal, mettre ensemble la justice et la force. » Oui, sans doute ; mais cela se peut-il ? Non : « On n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit que c’était elle qui était juste : et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fùt fort, on a fait que ce qui est fort fut juste ; ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force. » (VI, 7, 8).

Il faut donc obéir aux lois, non parce qu’elles sont justes, puisqu’elles ne le sont pas, mais parce qu’elles sont lois, et se soumettre aux gouvernements, non parce qu’ils sont basés sur la justice, puisqu’ils sont basés sur la violence, mais parce qu’ils sont. Le droit divin, c’est le fait. (Voir VI, 40 bis).