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l’être dans aucun domaine, pas plus dans le domaine de la subjectivité que dans celui de l’objectivité. Ils s’imposent à la conscience avec une irrésistible évidence. C’est vainement que les dogmatistes essaient de les prouver et les pyrrhoniens de les nier ; ils ne peuvent ni se prouver puisqu’ils sont premiers, ni se nier puisqu’ils sont l’évidence môme. Il est impossible d’être plus affirmatif que Pascal ne l’a été sur cette question capitale des principes premiers. « Nous connaissons, dit-il, la vérité, non-seulement par la raison, mais encore par le cœur : c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie de les combattre. Les pyrrhoniens qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. » (VIII, 6)[1].

Et ces principes premiers, Pascal ne les affirme aussi nettement que parce qu’il voit en eux la marque indubitable d’une nature originelle supérieure à la nature actuelle. S’ils n’étaient à ses yeux que ce qu’ils sont aux yeux des pyrrhoniens, qui ne peuvent cependant pas s’empêcher de les constater aussi, que des modes d’un changeant et mobile sujet, que de purs phénomènes de conscience, il les tiendrait en suspicion et les mettrait en doute ; il chercherait ailleurs les bases de la certitude ; ou renoncerait à toute certitude. Mais il y voit bien au contraire des indices certains, des témoins irrécusables, d’une nature originelle dont l’homme est déchu, et d’un monde supérieur et extérieur à l’homme duquel relevait cette première nature. « Instinct et raison, dit-il, marque de deux natures. » (XXV, 15). « Voilà l’état où se trouvent

  1. … Nous avons une idée du bonheur… Nous sentons une image de la vérité (VIII, 1.) Havet, I, p. 115.