Page:Gory - Des Pensées de Pascal considérées comme apologie du christianisme, 1883.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 49 —

Seulement la même difficulté qui l’a déjà arrêté, reparaît une fois encore. Il lui est impossible de se débarrasser de cette raison tenace autant qu’impuissante. Les motifs qu’il allègue peuvent bien relever de l’ordre supérieur de la charité et ne s’adresser qu’à la conscience et au cœur, en essayant de passer par-dessus la raison ; la raison les arrête à leur passage, les saisit et les pèse. Et peut-il en être autrement ? Ces motifs ne peuvent pas s’imposer de confiance et d’autorité, sans examen, sans appréciation préalable. Qui donc les appréciera ? La raison, toujours la raison.

L’apologiste est enfermé dans un cercle de fer. Pascal le brise, ce cercle, et voici de quelle manière. Il use d’un artifice de raisonnement qui a surpris et quelque peu déconcerté les critiques les plus éprouvés, tellement il est vrai que rien n’est ordinaire chez cet « effrayant génie ». Il fait une pétition de principe : il pose en fait ce qui est en question, savoir que la religion chrétienne vient de Dieu et répond à tous les besoins de l’âme. humaine. Et puis, il adjure, il force, on peut dire, son interlocuteur de partir avec lui de cette présupposition, se faisant fort de lui démontrer, ou mieux de lui faire éprouver expérimentalement combien elle est fondée en fait. Ainsi il écarte d’abord la raison, et les obstacles qui viennent d’elle.

Restent les obstacles moraux : il faut qu’il les écarte aussi, car ils sont les plus considérables. Comme il est avéré que le doute et l’incrédulité ont leur cause et leur source première moins dans une invincible répugnance de la raison aux vérités proposées par le christianisme, que dans la résistance du cœur asservi aux passions, l’homme qui s’est embarqué avec Pascal dans la supposition que le christianisme est divin, et qui désire dans la