Page:Gory - Des Pensées de Pascal considérées comme apologie du christianisme, 1883.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 54 —

base. De même dans toutes les sciences et dans tous les domaines. Christophe Colomb s’embarque sur la foi ou sur la supposition qu’il y a, au-delà des mers, un monde inconnu, et il découvre l’Amérique. Le Verrier voit Uranus éprouver périodiquement, à un point déterminé de son orbite, des déviations considérables ; il suppose qu’il doit y avoir dans les profondeurs du ciel, dans une direction et à une distance données, une planète d’un volume donné ; il fait part de sa supposition à des observateurs qui la vérifient expérimentalement et découvrent Neptune.

Pascal ne demande rien de plus de son interlocuteur : qu’il parte avec lui de cette supposition préjudicielle, que le christianisme est la vérité, et il se fait fort de le mener, par la grande et sûre voie de l’expérimentation personnelle, à la découverte et à la conquête de la vérité.

Pour cela, deux choses lui restent à faire : il doit d’abord faire connaître, non plus dans ses caractères extérieurs, apparents, mais dans son fond intime, cette religion qu’il prétend et suppose être divine ; il doit en second lieu établir, entre l’âme de son interlocuteur et cette religion divine, un étroit contact. Le succès de sa démonstration est au prix de ces deux conditions. De là donc deux sortes de preuves distinctes théoriquement, mais en fait inséparables : la preuve externe et la preuve interne. L’une ne va jamais sans l’autre, et ne doit jamais être employée au détriment de l’autre. Si l’on nous permet une image, nous dirons que ce sont les deux ailes de la démonstration ; une apologie qui n’en possède ou n’en déploie qu’une, traîne forcément sur le sol ; une apologie qui n’établit pas entre elles un parfait équilibre est incapable de vastes essors ; elle s’élève peut-être, mais en tournoyant, et finit par tomber.