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individuelle, régénérée par l’Esprit de Dieu et éclairée par l’Ecriture-Sainte. Voici une pensée importante qui n’a point été suffisamment remarquée : « Ceux qui jugent d’un ouvrage par règle sont, à l’égard des autres, comme ceux qui ont une montre à l’égard des autres. L’un dit : Il y a deux heures, l’autre dit : Il n’y a que trois quarts d’heure. Je regarde ma montre ; je dis à l’un : Vous vous ennuyez, et à l’autre : Le temps ne vous dure guère ; car il y a une heure et demie ; et je me moque de ceux qui me disent que le temps me dure à moi, et que j’en juge par fantaisie ; ils ne savent pas que je juge par ma montre. » (VII, 5). Il est vrai que sur ce cadran, que le chrétien sait qu’il possède, nul autre que lui ne peut voir l’heure qu’il est : en d’autres termes, ce critérium est subjectif et ne vaut que pour celui qui le possède. Mais peut-on trouver un critérium objectif ? C’est contradictoire. Les philosophes le cherchent encore.

Ainsi l’œuvre du christianisme est une restauration générale, harmonique de l’être humain, et le résultat de l’épreuve proposée par l’apologiste est de constater cette restauration dans son harmonieuse et majestueuse beauté. Le christianisme a pris l’homme tel qu’il l’a trouvé : il a fait appel à toutes les forces vives, à toutes les énergies, à toutes les facultés de son âme ; il n’en a point rompu le faisceau ; il les a liées au contraire plus fortement, en les employant à la commune recherche et en les appelant à la commune jouissance de la vérité. Il a fait entre elles une distribution de rôles et de parts ; il n’en a sacrifié aucune, mais il a mis chacune d’elles définitivement à son rang. La raison elle-même, si durement traitée, s’est relevée, mais a dû prendre son rôle et son rang, qui