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Page:Gosset - Histoire du Moyen-Âge, 1876.djvu/134

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HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE

redevint général. L’autorité du seigneur s’interposant entre les simples sujets et le souverain, la coutume de la recommandation porta des atteintes chaque jour plus graves à la suprématie royale. L’édit de Mersen, promulgué en 847 par Lother, Louis de Bavière et Karl-le-Chauve, avait été la reconnaissance légale de cet état de choses. L’inamovibilité des possessions fut proclamée en faveur des vassaux, et les hommes libres furent astreints à se recommander au seigneur de leur choix. Cette prescription, qui n’avait d’abord pour objet que de faciliter l’observation de la paix publique, en disciplinant l’obéissance, eut pour résultat de médiatiser la soumission des Hérimans et de généraliser, en les régularisant, les progrès de la féodalité. Les hommes libres furent habitués insensiblement à ne connaître que de nom l’autorité du roi et à ne sentir leur dépendance qu’à l’égard de leur suzerain immédiat. Les comtes firent divorce avec la couronne et firent passer avant leurs devoirs de magistrats leurs intérêts de vassaux.

Les abus entrés dans les mœurs passèrent naturellement dans la loi, et les embarras créés à la royauté par les guerres intestines ou nationales amenèrent la consécration de tous les empiétements. C’est ainsi que, pour décider ses fidèles à le suivre dans une expédition en Italie, Karl-le-Chauve se résolut à sacrifier la plus haute prérogative de la souveraineté, dans la diète de Hiersy-sur-Oise, en renonçant au droit de nommer et de destituer les délégués de son pouvoir (877). Il ne se borna pas à confirmer les dispositions de l’édit de Mersen qui, garantissant aux vassaux la conservation de leur rang et de leurs fonctions, ne les obligeait à suivre le roi à la guerre que contre l’ennemi étranger. Il les autorisa à transmettre à leurs héritiers les honneurs et les bénéfices dont ils jouissaient, et concéda aux fils des comtes qui l’accompagneraient au delà des monts la survivance de la dignité paternelle. Aussi, dans les assemblées ultérieures, les seigneurs invoqueront souvent l’Édit de Hiersy qui peut être considéré comme la grande Charte du régime féodal.