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Page:Gosset - Histoire du Moyen-Âge, 1876.djvu/207

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ONZIÈME SIÈCLE

bles et aux appétits grossiers, Alexis étalait aux yeux des princes de l’Europe les monceaux d’or que la victoire arracherait aux musulmans, et les joies de toute sorte que promettaient aux libérateurs de l’Asie les richesses du sol.

Grégoire VII, après Gerbert, avait voulu conduire cinquante mille hommes contre les Turks. À défaut d’expéditions, les pèlerinages s’étaient multipliés. Des milliers de pèlerins, revenus de la Terre-Sainte, racontaient les cruelles épreuves qu’ils avaient traversées et, au milieu des profanations musulmanes, les merveilles dont ils avaient été témoins. Ils disaient les dangers et les faits d’armes, la misère des chrétiens de Palestine, la magnificence des Sarrasins et les splendeurs de l’Empire Byzantin. Ces récits, jetés dans les masses, allumaient en même temps toutes les convoitises et toutes les indignations.

Telle était la situation des esprits, quand un moine, Pierre-l’Ermite, partit d’Amiens, sa ville natale, pour Jérusalem, où sa ferveur se transforma bientôt en une pieuse exaltation. Revenu en Europe, il se rendit en Italie, communiqua son ardeur au pape Urbain II, échauffa l’imagination des princes et parvint à électriser les populations. Le pape convoqua à Plaisance un premier concile où parurent les ambassadeurs de l’Empereur grec, puis un second à Clermont où il présida quatre cents prélats ou abbés crossés et treize archevêques (1095).

Urbain, dans l’éloquent tableau qu’il traça de la désolation des Lieux-Saints, remplit ses auditeurs d’un tel enthousiasme que tous se levèrent au cri unanime de Dieu le veut ! Une croix d’étoffe rouge, placée sur l’épaule droite, fut le signe distinctif de ceux qui s’engagèrent à marcher dans la voie de Dieu. Le nom de Croisade vint de cette marque symbolique qui, une fois posée sur le corps, contraignait de poursuivre l’entreprise sous peine d’encourir un anathème irrémissible. Le pape donna lui-même des croix aux princes, aux comtes, aux seigneurs. Les évêques en prirent eux-mêmes et en distribuèrent au peuple qui accourait en foule. Le nombre de ceux qui, en cette année et dans la suivante, s’enrô-