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Page:Gosset - Histoire du Moyen-Âge, 1876.djvu/307

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QUATORZIÈME SIÈCLE

serment de fidélité et cassa tous les traités qui liaient à ce monarque les puissances étrangères.

Les États généraux, convoqués de nouveau au Louvre, répondirent à cet anathème avec une extrême violence, et en appelèrent au futur concile pour juger « l’indigne successeur de saint Pierre. » Les légistes Guillaume de Nogaret et Guillaume de Plasian articulèrent contre le pontife vingt-neuf chefs d’accusation, entre autres ceux d’hérésie, de simonie, d’impiété, d’assassinat, de sorcellerie, d’attentat aux mœurs, etc. (1303). Nogaret, chargé de pourvoir à l’exécution de la sentence, s’assura le concours des Gibelins de la Romagne. Sciarra Colonna, chef de cette famille que le pape avait si peu ménagée, alla rejoindre l’ambassadeur français au château de Staggia avec une escorte de cavaliers et de fantassins. Tous deux pénétrèrent la nuit avec leurs hommes dans la place d’Agnani, dont le gouverneur leur était dévoué et où Boniface s’était retiré. À peine entrés, les soldats se mirent à crier : Vive le roi de France ! meure le Pape ! et suivis d’une partie de la population, envahirent le palais pontifical. Boniface, dont on réclamait l’abdication, essaya de parlementer ; mais, n’ayant pu intéresser à sa défense le peuple de sa ville natale, il dit noblement : « Puisqu’on m’a pris par trahison et qu’on m’a lâchement vendu à mes ennemis comme le sauveur du monde, il faut au moins que je meure en Pape. » Il se fit revêtir du manteau de saint Pierre, plaça sur sa tête la couronne de Constantin, prit les clefs et la croix et monta sur son trône. Après avoir tout mis au pillage, les soldats forcèrent son appartement et s’arrêtèrent interdits à son aspect : mais Nogaret et Colonna lui notifièrent, s’il ne voulait abdiquer, qu’il serait appréhendé au corps pour être conduit devant ses juges. Au mot d’abdication, Boniface répondit : « J’y perdrai plutôt la vie ; voici mon cou, voici ma tête ; frappez, mais j’aurai la satisfaction de mourir pape. » Il maudit ensuite le roi de France jusqu’à la quatrième génération, et, s’adressant à Nogaret dont l’aïeul avait été brûlé comme albigeois, il s’écria : « D’ailleurs, je