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QUINZIÈME SIÈCLE

avait été élevé sur la place du vieux Marché, en face de deux échafauds où se tenaient des juges séculiers et ecclésiastiques. Jeanne était vêtue d’un habit de femme, coiffée d’une mitre où étaient écrits ces mots : Apostate, relapse, idolâtre, hérétique. Jeanne n’avait pourtant servi que les autels de son pays. Deux dominicains la soutenaient ; elle était garrottée. Comme on avait voulu la donner en spectacle au peuple, le bûcher était très-élevé, ce qui rendit le supplice plus long et plus douloureux. La souffrance arracha quelques cris à cette pauvre, jeune et glorieuse fille… Quand on présuma que la Pucelle était expirée, on écarta les tisons ardents, afin que chacun la vît : tout était consumé, hors le cœur qui se trouva entier[1]. »

Le supplice de Jeanne Darc, de la vierge héroïque en qui le peuple venait instinctivement d’entrevoir la première incarnation de l’amour de la patrie, provoqua l’explosion d’une haine irrémissible contre l’Angleterre. Quoique plus lents à se passionner, le monarque et ses courtisans finirent par obéir au sentiment populaire. Le couronnement de Henry VI à Paris (1431) ne releva pas la cause des Anglais ; Dunois et Richemont leur infligèrent de graves revers (1433). Délié par la mort de Bedford qui, pour se l’attacher, l’avait nommé régent de France, le duc de Bourgogne se montra disposé à sacrifier ses longs ressentiments et à se rapprocher du roi. La réconciliation fut consacrée par le traité d’Arras, fort avantageux pour Philippe le Bon, mais qui eut pour résultat de réunir toutes les forces nationales contre l’étranger (1433). Paris ouvrit ses portes en 1436 au maréchal de l’Isle-Adam et reçut l’année suivante la visite de son souverain. Vers cette époque, un heureux changement se manifesta dans les habitudes de Charles VII. Son indolence fit place à la plus grande activité. Cette transformation inespérée fut attribuée par les chroniqueurs à l’influence de la Dame de Beauté, Agnès

  1. Chateaubriand.