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Gossouin nous montre que des pierres jetées au centre de la terre ne sauraient aller plus loin, parce qu’elles seraient alors à égale distance du firmament. Si ces pierres étaient de poids différents, la plus lourde arriverait au centre avant les autres.

Fritsche[1] cite comme source Vincent de Beauvais[2] dont le chapitre intitulé Quorsum injectus lapis erit casurus, si perforatus sit ei terræ globus contient certainement l’idée exprimée par Gossouin. Vincent lui-même ajoute qu’il a tiré ces détails d’Adélard de Bath[3]. Beaucoup de traits provenant de ce dernier auteur se retrouvent dans l’Image du Monde, surtout dans la seconde partie ; aussi sommes-nous plutôt enclin à croire que Gossouin l’a employé directement sans avoir recours à Vincent.

Dans Alexandre Neckam il y a également un passage complet quant à la matière, et fort semblable à celui de notre encyclopédie : « Si terra in centro suo intelligatur esse perforata, ita quod magnus sit ibi hiatus, et descenderet maximum plumbi pondus sine omni obstaculo, quiesceret motus ejus in terræ centro[4]. »


Ch. XII. — Si nous pouvions nous élever à une hauteur suffisante, les montagnes et les vallées s’effaceraient et la forme ronde de la terre serait évidente. Les grands fleuves paraîtraient comme un cheveu sur le doigt d’un homme.

Fritsche[5] trouve cette comparaison ridicule. Selon lui, Gossouin a commis une grossière erreur en essayant de traduire le passage suivant de l’Imago Mundi[6] : « Si enim quis in ære positus eam [terram] desuper inspiceret, tota enormitas montium, et concavitas vallium minus in ea appareret, quam digitus alicujus, si pilam prœgrandem in manu teneret. » Le critique allemand conclut que l’auteur de l’Image du Monde a mal compris le sens de pilam, la balle, et a pris ce mot pour pilus, le cheveu. Mais l’erreur de Gossouin n’est pas du tout évidente : sa comparaison diffère totalement de celle du texte latin ; elle est même préférable. Loin d’être convaincu d’ignorance, notre auteur a montré de l’originalité.

La citation que nous donnons de l’Imago Mundi se retrouve dans Sénèque[7].


  1. O. c. p. 20.
  2. Vincent de Beauvais, Speculum Naturale (Vincentius Bellovacensis, Bibliotheca Mundi 4 vol. Douai, 1624, vol. I, col. 374) VI. 7, cf. p. 30 n. 3.
  3. Adélard de Bath, Quæstiones Naturales (Louvain, 1480) Quæst. 49.
  4. Neckam, De Naturis Rerum (ed. T. Wright. Londres, 1863) l. I, ch. 16.
  5. O. c. p. 21.
  6. Honorius Augustodunensis, Imago Mundi (Migne, Patrologia t. 172) I, 5.
  7. Sénèque, Questions naturelles IV. 11.