Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/104

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drame en prose, que les sonnets soignés, finis, léchés, que je colportais deci delà. Ô hasard ! Je récitais cette pièce à l’heure où, dans les tables d’hôte, après un repas modeste, mais gai, on demande à chacun la sienne. C’était là ma chanson du dessert. Je n’y attachais pas autrement d’importance, rêvant mieux, ô ambition ! lorsqu’un soir un jeune homme, républicain enragé, qui fondait un journal politique dans le quartier Latin, me demanda ces vers, pour les mettre en feuilleton, dans son premier numéro. On me demandait mes vers ! Enfin ! Vous pensez si je les donnai.

Mais ici se place un incident absolument inattendu. Aussitôt après la publication de cette plaisanterie versifiée, la colonie grecque de Paris, toute la colonie hellénique, y compris les attachés à la légation, les attachés civils et les militaires, s’émut ; une réunion eut lieu, au cours de laquelle on discuta les plus féroces motions. J’eus beaucoup de peine à éteindre cet incendie. J’y fus aidé par le peintre Kalloudis, un Hellène qui suivait les cours de l’École des Beaux-Arts, par Duc-Quercy, qui, avant d’être socialiste émérite, était professeur, et comptait parmi ses élèves une foule de jeunes Grecs, et surtout par