Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/111

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bout d’un temps plus ou moins long, on se présente au guichet suivant : Caisse.

À chacune de ces stations, le payeur, le contrôleur et le caissier demandent au rentier : Combien avez-vous à toucher ? C’est une façon d’éviter les erreurs de personnes. Cela se fait à voix discrète, sans aucun tumulte, comme on pense.

Ce jour donc où fut inscrit « l’Avis au Public », il se produisit ceci : le premier rentier qui se présenta au payeur répondit à la question : Combien avez-vous à toucher ? par un chiffre, 753 fr. 25. Le payeur lui dit alors : Passez au guichet de contrôle. Demeurant là, oisif, pendant une minute ou deux, le rentier aperçut l’Avis, et quand enfin le contrôleur ouvrit son guichet, demandant à son tour : Combien avez-vous à toucher ? Ce fut d’une voix terrible, en gonflant les joues et en se faisant un porte-voix des deux mains que le rentier hurla : Sept cent cinquante-trois francs vingt-cinq centimes.

L’ahurissement du contrôleur fut profond, d’autant plus profond que le même rentier, si inopinément pris du besoin de crier, passant au guichet suivant, répondit au caissier d’une voix fort douce.