Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/15

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propre moi délicieux. Je compte sur cette réflexion psychologique pour me valoir l’indulgence du public, auquel je livre ces légers souvenirs d’une époque de bohème gaie, la dernière peut-être, étant donné que le pessimisme le plus noir obombre aujourd’hui les fronts et les cœurs de vingt ans.

Il ne s’agit point ici de pontifier, ni d’annoncer au monde qu’une génération spéciale valut mieux que ses aînées ou que ses cadettes ; mais de conter, à bâtons rompus, au cours des années, les vicissitudes littéraires ou artistiques, à travers lesquelles se murent et avancèrent des camarades, plus ou moins amis les uns des autres, mais liés par des conformités d’âges et de goûts. Si, deci delà, s’entremêle au récit quelque analyse critique, ce sera celle d’un bon enfant qui ne croit plus aujourd’hui que la littérature soit un sacerdoce, et qui trouve mauvais, hélas ! qu’au milieu de l’indifférence cruelle avec laquelle ce temps-ci accueille les meilleures productions de la poésie, on pousse très inutilement les poètes à se manger entre eux le nez, d’autant plus que plusieurs l’ont fort beau, et que tous tiennent à cet appendice. Le champ littéraire n’est point un conseil