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Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/22

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me déclara que tout était une affaire de chance et de talent, et que, si je possédais l’une et l’autre, lui, critique, verrait avec plaisir mon nom passer de son écritoire sous sa plume.

Alors, lassé de travailler dans l’ombre de l’hôtel garni, aux senteurs hybrides de truffes et de champignons, je me mis à fréquenter les cafés littéraires, comptant sur le hasard pour me faire pénétrer dans l’intimité des héros poétiques, et des demi-dieux du sonnet.

C’est ici le lieu de s’expliquer sur la vie de café. Le vieux dicton : Il vaut mieux écrire une tragédie que d’aller au café, est devenu faux à l’user. Écrire une tragédie dans un coin sombre, semble être aujourd’hui le dernier mot du crétinisme. Les directions de théâtre sont archicloses aux inconnus ; d’autre part, les salons ont perdu beaucoup de leur ancienne influence ; il faut donc, en une ville telle que Paris, descendre dans la foule, se mêler aux passants, et vivre, comme les Grecs et les Latins, sur l’agora ou le forum. Sous le ciel pluvieux de Paris, l’agora ou le forum, c’est le café, voire, pour les politiciens de faubourg, l’humble marchand de vin du coin. Les cafés sont le lieu de réunion, où, entre deux parties