Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/267

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il essaya d’attendrir son père, le père inflexible répliqua :

— Fais du commerce !

En ce temps-là, on commençait à peine à ouvrir des cabarets moyen âge, Renaissance ou Louis XIII. La Grand’Pinte en était le type ; mais là les peintres se réunissaient sans tapage, comme ils l’eussent fait au boulevard. Salis songea à réintroduire le tumulte, la folie haute, et la chanson bardée de fer dans nos mœurs édulcorées. De plus, sachant bien que tous les arts sont frères, il se demanda pourquoi les littérateurs ne viendraient pas s’adjoindre aux peintres, pour leur prêter quelques syllabes volantes, peut-être ornées de rimes sonores.

— Je serai gentilhomme-cabaretier, se dit Salis, peintre encore, mais littérateur aussi et chansonnier. À moi l’avenir !

Et le Chat noir était fondé.

Ah ! messeigneurs ! Ce fut une rude époque quand le chat en potence se balança au-dessus de l’huis, boulevard Rochechouart. J’y étais, grand’mère, j’y étais ! On but sérieusement, on chanta à démolir les murailles, et l’aube nous vit sortir de cette inauguration, nobles et hautains, devenus enfin gentilshommes du moyen