Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/32

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réflexions. Heureusement tout a une fin ! Une porte s’ouvrit, et un monsieur d’une trentaine d’années, maigre, long, bien peigné, l’air comme il faut, se présenta :

— Je vous demande pardon de vous avoir fait attendre, Messieurs, dit-il en jetant un salut circulaire.

Notre hôte — car c’était lui ! — gagna le fauteuil, sis en face du verre d’eau sucrée ; il ne toussa point, mais, prenant un air capable, quoique bon enfant, il commença :

— J’ai là, Messieurs, neuf lettres de poètes qui s’excusent de ne pouvoir venir ce soir à la réunion : ce sont MM. de Banville, Leconte de Lisle, de Bornier, Duparc, Lalune, Tartempion, etc. Je ne vous lirai pas leurs missives ; mais je tiens, avant de vous expliquer ce que je compte entreprendre, à vous faire part du superbe autographe que notre illustre et adoré maître, Victor Hugo, m’a envoyé :

« L’heure est aux poètes. Votre entreprise est noble. Je suis avec vous     V. H. »

Le blond et le brun se mirent à rire ; je pensais que c’était sympathiquement, mais la suite devait me dévoiler le tréfond de leur pensée obscure.