Page:Gouges - L Homme genereux.pdf/135

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Madame de Valmont, à part.

J’entrevois qu’il eſt amoureux.

[haut.]

Eh bien, mon cher Comte, vous ne dites plus mot… Approuvez-vous cet homme qui a la cruauté de garder l’anonime ?

Le Comte.

Je ne puis le blâmer. La bienfaiſance n’a d’attraits que lorſqu’on y attache le myſtere.

Madame de Valmont.

Je ne ſuis pas de votre avis, & je penſe que, ſi l’on rendoit publiques les belles actions, elle ſeroient plus propres à rétablir les mœurs qu’à les corrompre. Tous les peuples ont élevé des temples & des autels aux paſſions qu’ils ont diviniſées, & ce noble ſentiment qui produit toutes les vertus, l’humanité ſenſible & ſecourable, n’a jamais reçu un hommage public.

Le Comte.

C’eſt la ſeule vertu que l’homme doive couvrir des voiles du myſtere.

Madame de Valmont, vivement.

Vos maximes, M. le Comte, ſur cette matiere, ne ſont pas, je crois, bien approfondies : car enfin, vous me permettrez de vous obſerver que les traits de bienfaiſance deviendroient bien plus nombreux, ſi l’on faiſoit paſſer à la poſtérité, le nom de ceux qui ont rempli les devoirs que la nature preſcrit à l’homme envers ſon ſemblable. Un public effrené élevera un trône à une actrice,