Page:Gouges - L Homme genereux.pdf/36

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Le Comte.

Voilà bien des rapports avec cette Marianne dont me parle la Fontaine.

Madame de Valmont.

Que dites-vous ? Seroit-il poſſible qu’une fille auſſi vertueuſe connût cet homme vicieux ? Expliquez-vous de grace. Que vous en a-t-il dit ? Je crains bien que mon frere ne ſoit pour quelque choſe dans tout ceci.

Le Comte.

Peut-être n’eſt-ce pas la même perſonne ; car il m’a aſſuré que c’étoit une fille ſuſpecte, & dont mon Secrétaire eſt fortement épris ; tout me porte à le croire : cer ce jeune homme manque de tout, quand je le comble de bienfaits.

Madame de Valmont.

Ah ! je reſpire ; je ne reconnois pas là Marianne.

Le Comte.

J’en ſuis perſuadé : mais croyez-vous qu’une fille jeune, belle & pauvre ?…

Madame de Valmont.

Oui, Monſieur, je vous entends. Eh ! voilà comme notre pauvre ſexe eſt expoſé. Les hommes ont tous les avantages ; on en a vu qui ſortis de la plus baſſe origine, ſont parvenis à la plus grande fortune, & quelquefois aux dignités : & les femmes, ſans induſtrie, c’eſt-à-dire, ſi elles ſont vertueuſes, reſtent dans la miſere. On nous a exclues de tout pouvoir, de tout ſavoir ; on ne s’eſt pas encore aviſé de nous ôter celui d’écrire ; cela eſt fort heureux.