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Page:Gouges - Oeuvres de madame de Gouges - 1786.pdf/29

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féroces, endurcies par le fanatisme, comme Madame la Marquise de Flaucourt, & un Prélat des plus éclairés, mais aussi foible qu’elle, qui se font un acte de Religion de la plus grande cruauté. Hélas ! quelle est cette Religion ? Ou j’en ai mal conçu le dogme, ou il semble qu’elle enseigne la clémence & la bienfaisance. Ce digne Prélat, qui tient le Sacerdoce dans ses mains, & cette respectable Veuve, tous deux près du lit de mort de l’auteur de mes jours, lui prêchoient la bienfaisance, & le repentir de ses fautes. C’est, pour les rachetter, lui disoient-ils, qu’ils l’engagèrent à faire deux mille écus de rentes viagères à ses gens, & reversibles sur leurs enfans ; & celle qui avoit des droits plus légitimes, droits que la Religion même impose, n’a pas reçu la moindre marque d’humanité. Ce pieux Prélat, ce frère de lait de cette infortunée, loin de presser & de déterminer sa belle-sœur à remettre sous les yeux de son frère mourant, ce qu’il dévoit faire pour une femme qui leur fut si chère à tous deux, eurent la barbarie de lui fermer la paupière, & le laisserent descendre dans la tombe, enveloppé dans la plus cruelle erreur ; & voilà comme ce grand homme finit sa carrière, dans une indifférence où ils le tenoient sans doute depuis long-tems. Quoiqu’il fut insensible envers