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III


Six années s’écoulèrent encore pendant lesquelles, à force de travail, Pierre put arriver à faire vivre sa famille sans trop de peine. Jane, instruite par sa mère, comprit un peu son incurie, et la situation obérée allait peut-être s’éclaircir, quand un soir, des hommes au pas lourd, sinistre, montèrent l’escalier du logement où la famille Carlet avait un modeste asile.

Ces hommes rapportaient Pierre, sanglant, mourant : un coup de corne en pleine poitrine l’avait abattu.

Décrire le désespoir de Jane serait impossible ; elle s’affola devant ce blessé incapable, vaincu en pleine vie, qui ne pouvait plus la soutenir ni la protéger. Elle pleura, sanglota éperdument pendant que, joignant ses cris au tumulte, Michelle se jetait sur le cœur de ce père tendre, dévoué, si faible et si bon.

« Éloignez-vous, Madame, dit le médecin sévèrement, quand il pénétra dans la maison bouleversée ; emmenez votre enfant, et avec un peu plus de calme, tout n’est peut-être pas désespéré. »

Jane obéit, entraîna Michelle, et comme ces mots remettaient un espoir dans son cœur, elle songea à prier, à faire joindre les menottes de l’enfant, à supplier le ciel d’avoir pitié d’elles, de lui.