Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/112

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roulées par le vent, des cris d’oiseaux, des courses de lapins peureux.

« Allons, je suis perdue, se dit-elle, si personne ne vient pour me mettre dans la bonne voie. Je passerai la nuit ici, le ciel s’assombrit vite en novembre, les journées sont courtes, que va penser mon mari ? Quelle scène va me faire Edvig ! »

Elle s’assit à terre, songeuse, le cheval brouta les rares brins d’herbe encore verts. La pensée de son fils venait surtout l’effarer. Si elle allait mourir là, sans le revoir, si des loups allaient l’attaquer. Elle n’avait aucun moyen de défense, on ne retrouverait même pas ses os… Enfin, tout valait mieux que l’inaction ; en avançant, elle avait plus de chance qu’en ne bougeant pas.

Elle remonta sur sa bête ; très agile, elle y parvint aisément. Tout à coup, elle se trouva en face d’une ruine, de vieux murs gris couronnés de lierres, un donjon perdu dans une fouillis de végétation.

Enfin, c’était une trace humaine, cela la sortait de l’étouffante impression causée par l’enserrement des arbres, et puis, il devait y avoir une route à portée.

Elle fit le tour du château croulant, cherchant un indice, un vestige, et elle aperçut, au tournant, une tourelle effritée, et, devant, installé à peindre, un jeune homme avec son parasol, sa boîte à peinture. Elle eut une exclamation de joie :

« Mein Herr !  »

Il leva la tête, surpris, n’ayant pas entendu dans l’herbe les pas du cheval :

« Je suis égarée, continua-t-elle en allemand, pouvez-vous me dire où il y a une route, un chemin ? »

Il bredouilla vaguement des mots qui la firent sourire, elle reprit en français :

« Monsieur, je vous demande où est la grande route ? »