Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/125

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voisinage. Ils apercevaient aussi le ravin où Albert de Simmern mangea, disent les anciens récits, avec des revenants.

« Votre Allemagne est remplie de légendes, observa Michelle à son mari, le caractère de vos compatriotes est imaginatif et rêveur.

— Moins que vous ne le croyez : nous sommes surtout pratiques, la rêverie souvent sert de voile à une science plus abstraite. Aujourd’hui, ce qu’on développe chez nous à outrance, c’est l’art stratégique, la théorie militaire. L’ambition de l’Allemagne est immense, elle a l’énergie, la volonté, la puissance de domination, il va chez nous une montée d’orgueil. Depuis Sadowa, la Prusse forme un grand rêve fondé sur son courage.

— Pourvu, mon Dieu, qu’il n’y ait pas la guerre ! Cette seule pensée me fait frissonner, vous partiriez ?

— Évidemment. Et si je suis parti d’enthousiasme contre l’Autriche, je serais seulement cette fois conduit par le devoir. Vous laisser me serait une dure épreuve.

— Ne parlons pas de cela.

— Si, parlons-en au contraire. Des menaces sont dans l’air, le roi ne m’a pas fait de confidences, mais quelques allusions m’ont prouvé combien, le cas échéant, il compte sur moi, et voyez-vous, mon enfant, il faut tout prévoir. Mettre devant ses yeux parfois un tableau un peu sombre n’amène ensuite que plus de joie.