Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/164

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— Vous pouvez lui adresser une lettre d’Anvers, elle parviendra sûrement à Berlin.

— Mais y est-il ?

— Voilà ce que j’ignore ; mais je pense qu’en mettant le numéro de son corps d’armée et de son régiment, le message suivra.

— Je vais essayer à tout hasard. »

Michelle descendit au salon, qui, sur le yacht, servait de bibliothèque, de salle de travail et d’oratoire par les gros temps. Au fond, sur une table à roulis[1], un Christ, une Vierge, des fleurs et des flambeaux attiraient dès l’entrée les regards.

Le prince et sa femme avaient coutume, quand ils entraient dans cette pièce, de commencer leurs travaux par un salut et une invocation adressés devant leur petit autel. Soir et matin, quand l’état de la mer empêchait la réunion sur le pont, tous les hôtes et les matelots non employés à la manœuvre du moment, venaient là prier en commun. Michelle ne manqua pas à l’usage de ses cousins. Elle éleva son cœur vers Dieu d’abord, ensuite elle revint s’asseoir devant la table à écrire et traça ces mots d’une écriture tremblée, non à cause de l’état de la mer, qui semblait d’huile, mais à cause de son agitation intérieure.

« Mon cher Hans, je confie cette lettre aux soins de la Providence ; puisse-t-elle vous parvenir pour vous expliquer le silence inquiétant des vôtres et vous rassurer à leur sujet.

Nous sommes en mer, le cap sur la Belgique, où nous avons quelque espoir de mettre ces pages à la poste. Voici ce qui est arrivé : Après votre départ, je me suis hâtée d’agir, de décider ma mère à gagner Saint-Malo ;

  1. Table suspendue au plafond par des chaînes et destinée à suivre les mouvements du bateau.