Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/168

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Le prince et les matelots se signèrent.

« Touché !  » fit le capitaine, en s’affalant par l’escalier. Il courut à l’avant, craignant une voie d’eau, tandis qu’Alexis se glissait par l’écoutille, jusqu’aux cabines, où tous les siens priaient.

Il visita avec soin la coque du navire, descendit dans la cale, mortellement inquiet :

« Rien, pas d’avaries, sauvé ! Merci mon Dieu ! »

Et il repartit à son poste.

À présent, l’averse tombait avec une telle violence, que c’était un crépitement, un rejaillissement, un bruit assourdissant.

En moins d’une minute, ses habits furent traversés.

Les matelots calfataient les moindres ouvertures, ils étaient ahuris, transis, soudain glacés, enveloppés d’une telle obscurité, qu’ils ne se voyaient même pas. Les feux jaunes et rouges de tribord et bâbord, ainsi que le feu blanc d’avant, ne s’apercevaient plus[1].

« À la sirène ! » ordonna le capitaine.

Et dès lors, ce fut un mugissement, un beuglement d’effroi, ajouté à tout le vacarme extérieur…

À minuit, le ciel dégagé se mirait paisiblement dans la mer. Les étoiles scintillaient, immuablement calmes ; le pont lavé, les voiles inondées, s’égouttaient en ruisselets et tout le monde brisé, secoué, étouffé par l’insupportable chaleur de l’entrepont, était remonté à l’air libre, rafraîchi et raréfié. Le capitaine inspectait les étoiles.

Prince, dit-il, nous sommes à la pointe de Granville. Voyez là-bas cette projection brune sous le croissant ; c’est la Bretagne.

  1. Ces couleurs sont admises en marine pour désigner l’avant, la droite et la gauche.