Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/181

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écoutait attentif le bruit de la bataille. Ne pouvant voir de ses yeux, ses facultés auditives se doublaient.

— Ils approchent, expliquait-il, mais lesquels ? Amis ou ennemis ? Ne vois-tu rien, Michelle ?

— Je vois un amas de poussière occasionné sans doute par des chevaux, et puis une lueur intermittente dans le ciel, on dirait un éclair.

— C’est le canon.

— Le bruit se fait entendre un peu de temps après l’éclair.

— Le son va moins vite que la lumière.

— Là-bas, sur une colline, voilà des sapins qui s’enflamment, on dirait une gerbe de feu que le vent pousse… et puis cela gagne par terre ; dans la bruyère sèche, l’incendie court, il descend la pente à présent… des bêtes se sauvent devant les flammes, elles bondissent affolées…

— J’entends des pas, une course qui vient ?

— Oh ! l’horrible spectacle, Hans ! Ce sont les cacolets remplis, des êtres affaissés, des traînées de sang, des hommes rouges…

— Allemands ?

— Oui. »

Le chirurgien revenait :

« Général, disait-il, encore de la besogne, ça chauffe là-bas et dur. Ah ! ces Français, ils sont une poignée et tiennent quand même ! »

Michelle, à ces mots, eut une flamme dans les yeux, un regard éloquent au ciel. Nul ne le vit ; Hans reprit avec un geste d’impuissant regret :