Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/183

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débordé ; sans place, sur cette paille, ils agonisent.

— À boire ! » suppliait-on de toutes parts.

Et alors Michelle se leva, très pâle, mais résolue, prenant dans sa volonté de la force. Elle courut au puits qu’elle voyait dans la cour, emplit un seau et, revenant, le posa au milieu de la grande salle de la ferme, disposée en ambulance.

Alors, avec sa douceur de femme et de mère, elle souleva les pauvres martyrs, offrit à leurs lèvres brûlantes le liquide frais.

« Bravo, Madame, fit le major ; tenez, sur cette planche, prenez un flacon, mettez-en quelques gouttes dans chaque tasse. Bien, à présent, voici un blessé qui peut marcher, son bras en écharpe ; laissez-le servir les autres et venez me donner des bandes ; mes aides vont pouvoir repartir au champ de bataille. »

La jeune femme s’empressa ; se raidissant, elle parvint à être utile, à regarder sans défaillir l’horreur des opérations.

Ce fut long, puis enfin une charrette put emmener les blessés qui, après un pansement sommaire, pouvaient supporter l’évacuation sur une ambulance de seconde ligne.

Soudain, un fantassin apparut au détour du chemin.

« Les Français ! criait-il, sauve qui peut ! »

Hans entendit :

« Michelle, regardez. Que dit cet homme ? »

Malgré sa faiblesse, l’officier blessé parvint à se lever.

« Général ! criait le soldat, voici un régiment d’infanterie française qui tourne le poste. L’ambulance va tomber en leurs mains.

— Miséricorde ! et je serai prisonnier ! moi, incapable de reprendre la lutte. Ah ! non, un cheval pour l’amour de Dieu ! Major, faites-moi donner un cheval. »