Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/188

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travers une fente, s’en allait mince et limpide entre les hautes herbes vertes.

L’ex-petite sauvage bretonne était rarement embarrassée. Elle se rappela le procédé de Minihic, quand ils trouvaient de l’eau douce sur la côte et étanchaient leur soif au cours d’une promenade. Elle choisit un arbre à l’écorce lisse, un tilleul. Avec son petit couteau de poche, elle leva habilement une bande d’écorce autour d’une branche de la grosseur de son bras environ. Puis, la repliant par le milieu, elle emboîta les côtés l’un dans l’autre. Avec des herbes tordues, elle les maintint par le haut et eut ainsi un gobelet aplati du bas, rond au sommet, parfaitement étanche, très propre, blanc et lisse à l’intérieur. Elle l’emplit, but avec joie, l’emplit de nouveau et retourna au gîte. Hans s’agitait.

« Buvez, lui dit-elle, voici une eau excellente tout près de nous. Après, je rafraîchirai votre bandage. »

Il appuya sur ses lèvres la petite main qui le soignait :

« Pauvre enfant, comme tu es courageuse. Sans toi, sans ton énergie, je serais à cette heure prisonnier et immobilisé pour la fin de la guerre. »

Ces mots n’étaient pas, certes, une consolation pour celle à laquelle ils s’adressaient ; mais lui, le cœur allemand, oubliait toujours la terrible désunion des races.

Il but avec volupté, accepta le repas d’oiseau qu’elle lui offrait, composé de baies sauvages. Il plongea sa pauvre tête dans l’eau avec délice, et enfin :

« Partons-nous, Michelle ? toi qui as des yeux, examine les alentours, pousse une reconnaissance vers la lisière. »

Elle partit, rejoignant derrière elle les rameaux, avec des précautions d’Indienne.