Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/205

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« Que voulez-vous, mon capitaine ?

— Sais-tu ce que je pense, mon ami ?

— Je le devine, mon capitaine, mais c’est une folie ; il n’y faut pas songer.

— Pourquoi ?

— Parce que les Prussiens surveillent autour du château et que quand bien même vous tromperiez leur attention ici, vous seriez repris plus loin ne connaissant pas le pays.

— Je le connais un peu. Par les bois, je gagnerais la Suisse.

— Si l’on vous reprend, vous êtes fusillé.

— Je le sais, qu’importe. Ma pauvre mère me croit déjà mort, et si le ciel permet que je sois tué, c’est qu’il n’a plus besoin de moi pour son service. Allons, mon ami, mon frère de France, aide-moi à me sauver.

— Je joue ma tête, moi aussi.

— Viens avec moi. Est-ce ta place ici ? Tu es malheureux, maltraité, tu reçois leurs soufflets, leurs insultes, quand ta patrie manque de bras et de cœurs, quand les journaux sont, remplis de nos défaites. Notre devoir, à nous, est-il de rester inertes, inutiles, de subir un destin que nous pouvons, par notre volonté, entraver ?

— Mais ma chère maîtresse, comment pouvez-vous me conseiller de l’abandonner ?

— C’est vrai ; mais crois-tu qu’elle ne souffre pas pour toi ? Qui sait même, si elle ne t’estimerait pas plus en te voyant un fusil à la main ? Cette nuit est la dernière pour nous de liberté relative, Minihic tu es notre seul gardien.

— Et la sentinelle donc ?

— À nous deux, il serait bien facile de la bâillonner.

— Non, non, Monsieur. Vous causeriez dommage à Mme la comtesse, Mlle Hartfeld est méchante, elle l’accuserait de connivence.