Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/215

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de Mme Carlet et du pays. Je vous laisse mon petit souvenir de notre grève de sable, recueilli le dernier soir… et M. Rozel vous offre le portrait de vos enfants. Il part avec moi. À Dieu !

Minihic. »

Michelle relut ces simples mots. Oui, c’était juste, le petit Breton transplanté ne pouvait plus vivre, il se devait à sa patrie, sa souffrance ici était inhumaine. Il n’était pas lié, comme elle, en terre étrangère ; il partait. Rozel aussi partait, sans un mot pour elle, sans un regret pour son injustice…

Le croquis des enfants était ravissant. Il les avait pris dans leur attitude naturelle et gracieuse, jouant. Longtemps Michelle les contempla, puis elle les remit avec le billet de son cher Minihic et le pauvre petit sac de sable, au fond d’un tiroir dont elle avait sans cesse la clé. Puis, l’âme au loin, elle redescendit à son poste près de ses blessés.

Là, un changement était survenu ; une sentinelle se promenait, armée, entre les deux rangées de lits, et un groupe de convalescents se tenaient prêts à partir. Tous, à la vue de leur chère protectrice, eurent un élan vers elle.

« Oh ! Madame. »

Elle leur tendit ses mains, qu’ils embrassèrent en pleurant. Auprès d’elle, ce n’était pas pour eux la prison ; à présent, ils allaient en connaître les cruautés.

Michelle leur distribua tout ce qu’elle put d’argent, de petites douceurs. Elle supplia l’officier de garde d’avoir égard à leur faiblesse. Et il promit, touché de cette bonté si vraie.

Seulement, à déjeuner, Edvig devint mauvaise ; avec sa jalousie haineuse, elle avait tout deviné.