Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/222

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— Il y a, expliqua Lahoul, que leur pauvre petite maman est venue prier une nuit, aux premiers jours de la guerre, et que, sans doute, elle a voulu montrer ses petits enfants à la vieille aïeule qui l’avait élevée, elle !

— Sûrement, vous êtes dans le vrai, conclut Mme Carlet, ma fille a toujours eu des idées romanesques, une espèce de religion de souvenir. Quand elle est partie avec son mari, j’ai regardé le fond de son sac de voyage. Il y avait des plumes de mouettes, des algues séchées, un vieux livre de prières ayant appartenu à son père, et un chapelet disjoint avant appartenu à ma mère. Toutes ces choses étaient soigneusement emballées. »

Elle souriait en disant ces mots, tandis qu’Yvonne, sans savoir pourquoi, avait les larmes aux yeux.

« Allons, dit-elle, je vais à la Roussalka, je prends le falot et les clés ; mère, ne t’inquiète pas, père viendra me chercher.

— Va, et prends ma grosse mante de laine. »

Le père et la fille sortirent ensemble, la nuit glacée leur envoya au visage une rafale, qui rejeta en arrière le capuchon d’Yvonne.

« Père, il vente à deux ris, n’embarque pas[1]. »

Le matelot inspecta le ciel.

« Pas un nuage, aucun danger, je ne mettrai qu’un bout de toile.

Le bateau est dans le port. Il est temps

  1. Expression maritime. On prend des ris en faisant des plis à la voile.