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Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/23

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Des figues rouges pendaient ouvertes à demi d’un gonflement de maturité, des grappes roses de raisins s’enchevêtraient sur un treillis formant berceau. C’était sauvage et délicieux ce coin de jardin mal entretenu, où l’homme mettait juste l’indispensable à la vie quotidienne. Pas une fleur cultivée, mais d’adorables semis naturels de giroflées parfumées et d’œillets roses venus dans le sable, jetés en graines par la brise ou les petits oiseaux. Puis les plantes grasses étalaient leur épaisse végétation habituelle au littoral, la ronde feuille de la passe-pierre, l’épais bourgeon du cactus…

C’était une féérie ; Michelle s’allongea sur le sable fin et doux d’où s’élançaient de petites asperges minces et vertes.

De l’autre côté de la haie de sapins et de tamaris, un douanier faisait les cent pas, l’œil sur les flots.

« Tiens, le gardien du square ! » se dit Michelle en se pelotonnant d’instinct derrière les buissons pour dévorer ses fruits.

Mais ce n’était pas de ce côté qu’il fallait craindre ; en sens inverse de la maison venait Rosalie, un panier au bras. Elle aperçut Michelle, la bouche et les mains pleines, sa petite robe maculée d’un écrasement de figues.

« Ah ! la vilaine créature, exclama la vieille servante, contrariée de ce surcroît de travail, d’embarras et de dépense amené par l’enfant. Elle n’est pas à prendre avec des pinces. »

La petite, en entendant ces mots, se mit à rire ; d’un geste gamin, elle allongea ses doigts, le pouce au nez, le petit doigt vers la servante, et elle courut, sautant comme un faon, les planches de légumes.

Rosalie regardait, oubliant ses salades, les deux poings sur ses hanches, et comme