gardé de son enfance le culte poétique de cette douce solennité de Noël, et il s’en allait à travers champ, guidé par le feu de bivouac, un chant naïf aux lèvres : Il est né, le divin Enfant, etc…
Il avait le cœur joyeux. Cet acte de charité qu’il venait d’accomplir lui semblait un peu le payement d’une dette envers cet Allemand qui ne lui avait jamais fait que du bien à lui et aux siens. Et il éprouvait un sentiment étrange d’allègement, à la pensée d’en devoir moins à l’ennemi.
Les soldats ne dormaient pas, ils entouraient leur feu grelottants. Le chant de Minihic parvint de loin jusqu’à eux, et alors tous ensemble entonnèrent le refrain. Ce fut par la campagne de grandes ondes sonores, qui s’épandirent dans la nuit et mirent en tous ces hommes, las et désolés, une chaleur et un espoir.
Quelques jours de soins assidus rendirent au général sa présence d’esprit, presque sa vigueur. Sa plaie, de nouveau, se cicatrisait. La congestion avait disparu. Il était lucide, avait la force d’interroger, de se rendre compte de la situation. Il ne pouvait voir autour de lui, étant aveuglé par son pansement ; mais il devinait une douce main de femme.
« Religieuse ? demanda-t-il ému, retenant une fois dans les siens les doigts légers, qui rafraîchissaient son front.
— Non.
— Suis-je prisonnier ?
— Vous êtes notre hôte.
— Je suis dans une ambulance française ?
— Une maison où l’on soigne tous ceux qui souffrent.
— Mais, après…
— Après, mon enfant, à chaque jour suffit sa peine.