Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/247

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toujours beau, s’était en quelque sorte idéalisé par une expression de bonté tendre, voilé d’une inguérissable mélancolie : ses yeux, moins étincelants qu’au temps où la petite Mouette escaladait les rocs, en compagnie de Minihic, ou grimpait dans les arbres du verger pour cueillir les fruits de sa grand’mère, avaient une douceur profonde, où se lisait l’absolu désintéressement des choses personnelles.

Elle rayonnait dans cette fête, heureuse de la joie de son mari en la voyant belle et entourée. Joyeuse d’être ainsi, parce que ses enfants avaient recueilli la perfection saine de ses formes, parce que sa fille, sa mignonne Frida, née au lendemain de la guerre, promettait d’être aussi robuste que ses frères. Et Michelle pensait fièrement qu’elle aurait toujours cet héritage de santé et de vigueur à transmettre à ses enfants, à défaut d’autres richesses.

Ainsi que beaucoup d’âmes délicates, elle était sans cesse préoccupée des compensations, elle qui n’avait apporté dans le ménage que sa jeunesse et sa beauté.

L’empereur, les princes, les grands de l’empire, pour la voir, passaient et se retournaient dans cette foule brillante, alors qu’elle passait au bras du marquis Herber de Mansfeld, cousin de son mari.

Et soudain, le prince de X…[1] s’arrêta, l’œil fixé sur les trois fleurs symboliques de Michelle et s’inclinant souriant :

« Comtesse, quel joli bouquet de conscrit vous avez sur l’épaule, on dirait que vous partez en guerre. »

  1. Toute cette scène étant exactement contée telle qu’elle s’est passée, le nom du prince ne peut être écrit. Le nom de Michelle est légèrement changé.