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En tous points, Michelle suivit le conseil donné ; elle s’éloigna, prit un peu de nourriture à la ferme indiquée où on l’accueillit avec respect, ainsi que d’habitude, puis elle revint à pas lents.


VI


La nuit tardive de mai descendait paisiblement, un air très doux caressait le visage brûlant de Michelle. Ainsi qu’une voleuse, elle se glissa par la porte, soigneusement huilée aux gonds par Mina. Elle entendit les serviteurs causer pendant ce repas du soir, toujours prolongé par eux, leur journée étant terminée, puis elle passa ainsi qu’une ombre.

Les êtres du logis lui étaient familiers ; elle traversa l’antichambre qu’éclairait une lanterne de couleur, le grand escalier de marbre où une statue, de grandeur naturelle, tenait un globe opaque qu’illuminait une lampe.

Au premier étage, la nuit devenait absolue : les enfants couchés, on avait éteint les girandoles ; mais elle savait se guider, ayant aux lèvres de ferventes invocations. Le tapis assourdissait ses pas qu’elle faisait aussi silencieux qu’une criminelle…

Enfin, elle toucha le bouton de la porte, le tourna avec précaution. Une simple veilleuse éclairait la chambre. Deux petits lits de cuivre doré s’allongeaient sur le même plan, une table ronde, une armoire à glace, des sièges en tapisserie et bambou, une grande bibliothèque étagère et, à terre, une natte aux couleurs vives, tel était l’aspect de l’appartement bien connu de la mère. Rien n’était changé.

Le lit le plus voisin de l’entrée était celui de Wilhem. Le petit garçon dormait déjà. Son souffle régulier scandait le silence.