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Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/307

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Souvent, quand elle avait un moment de libre, elle allait promener son fils au Bois pour que sa santé ne souffrît pas du manque d’air et elle emmenait François par bonté. La blanchisseuse, attelée au fer brûlant du matin au soir, savait un gré extrême à sa voisine de ce procédé ; son enfant, grâce à elle, respirait un air plus sain que celui de sa boutique embuée de chaleur humide.

« Donnez-moi votre linge, disait-elle à Michelle, et partez au Bois avec les gosses. »

Michelle, petite-fille d’une marquise, femme d’un comte, n’avait aucune sotte fierté. Ceux qu’elle avait connus des gens du peuple ne l’avaient jamais trompée, au contraire ; près d’eux, elle avait trouvé sincérité et bonté. En outre, par son père, elle y tenait à ce peuple, elle se rappelait souvent ce brave homme si tendre et si doux, vêtu de la longue blouse des marchands de bœufs, et elle tendait les mains volontiers à tous ceux qui lui paraissaient sincères et honnêtes sans distinction de castes.

La joyeuse humeur et le cœur sensible de Mme Pierre l’avaient conquise, aussi était-ce volontiers qu’elle se chargeait de son fils et lui faisait partager le goûter et les jeux d’Henri. François était d’ailleurs de l’espèce des enfants sages, il était enfant de chœur à la paroisse et bien noté à l’école des Frères où il était dans la même classe qu’Henri.

François voulait être mécanicien comme son père. Son père était mort dans un accident de chemin de fer. Mme Pierre avait conté de suite à sa voisine toute sa vie de peines et de luttes pour le pain quotidien, avec la prolixité et les larmes facilement amenées chez les natures expansives qu’on rencontre si souvent chez les femmes d’ouvriers.