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Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/31

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se laissa tomber sur le sable fin. La mer tout doucement montait transparente et tiède sur les roches incrustées de mica. L’enfant trempait ses mains dans les creux de rochers où nageaient de grises crevettes, elle s’amusait à récolter des coquillages et des algues apportés par le flot ; c’était pour elle le paradis terrestre, la liberté de la création.

« Tiens, la petite Mouette ! fit tout à coup le pêcheur Lahoul qui passait, son filet sur l’épaule ; hein, tu te ballades à l’air frais, veux-tu embarquer avec moi ?

— Non, parce que je dois rentrer à la niche pour l’heure de la pâtée. Après, j’irai à l’école.

— Ah ! tu vas aller à l’école, eh bien, cours alors, tu auras assez le temps de t’ankyloser les jambes sous les bancs de la classe. »

Le pêcheur s’éloigna sifflant, et Michelle resta seule ; elle courut un moment au-devant des vagues qui la forçaient à rétrograder, puis elle finit par se coucher sur le sable, le front dans les mains, et peu à peu elle glissa au rêve, à la réflexion, qui, même à sept ans, naît dans la solitude. Elle regarda de loin des enfants qui suivaient leur mère, en recevaient des caresses et de bonnes paroles, et dans sa cervelle enfantine s’ébauchait un travail d’étude décevante, et elle reportait vers le ciel ses yeux naïfs, comme pour un inconscient appel de protection.

La petite mouette, ballottée au vent du large, n’est pas jetée à la côte pendant la tempête ; la petite Michelle, comme l’oiseau, n’est pas abandonnée du divin Protecteur.

Toute son existence d’orage et de lutte elle se souviendra de ce jour d’antan où les goélands rayaient de l’ombre de leurs ailes le