Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/320

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de faire un peu les fous le jour où l’on va chercher au fond de l’urne son numéro d’entrée au régiment, tous les jeunes gens doivent s’y conformer.

Dans une voiture à l’angle du faubourg Saint-Honoré, une mère attendait son garçon. Un sourire se jouait sur ses lèvres, ses beaux yeux roux brillaient d’une joie douce, et tout à coup elle ouvrit vivement la portière, du geste heureux qui précède une arrivée souhaitée, attendue.

Un jeune homme accourait, agitant en l’air le grand carré de papier bariolé où figurait, en chiffres énormes, le numéro 113. Des femmes, des camelots avec des rubans tricolores, des fleurs, des petits drapeaux, l’empêchaient d’avancer. Et soudain, dans sa joie, il eut une idée, prit un minuscule drapeau et le piqua à sa boutonnière, jetant une pièce blanche dans la corbeille de la vendeuse. Puis, sans attendre sa monnaie, il reprit sa course, sauta dans la voiture, et le cocher, qui avait des ordres, partit de suite.

« Là, ça y est, mère, pioupiou français, ton gars ! Naturalisé juste à point, conscrit et content. Ah ! ma petite mère, tu t’entends bien à faire les braves, je me sens de force à conquérir le monde. Vive la France et maman ! »

Elle se pencha vers lui, mit un baiser sur la joue fraîche auprès de la petite moustache naissante de son fils.

Ce mouvement rapprocha leurs deux visages, aussi semblables que peuvent l’être deux natures humaines féminine et masculine, charmantes toutes deux, bonnes à regarder, tant elles respiraient de loyauté et de bonté.

La mère tenait le numéro du conscrit, le fixait, puis un soupir souleva sa poitrine, la pensée déjà envolée au loin vers une autre